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Crimson Peak, plus malin que flippant

Guillermo Del Toro, le réalisateur adepte du glauque, du fantastique, du dérangeant, conserve ses penchants pour un film surprenant de beauté.

« Une histoire de fantôme, donc... » La phrase, lâchée à la face de notre héroïne par son éditeur, contient tout le mépris qu'on attendrait de la part d'un homme pour l’œuvre d'une femme au XIXème siècle. Malgré ce rejet, Edith Cushing, la vingtaine mais déjà considérée comme vieille fille parce qu'elle préfère se concentrer sur la rédaction de son livre, aura l'occasion d'en remontrer.

Au départ, cela sonne comme le résumé d'une énième production de série B : une jeune femme connaît le premier amour et s'y jette avec passion, tout cela pour se retrouver enfermée dans un manoir effrayant, avec la sœur un peu folle de son amant pas si parfait qu'il le montrait. Ajoutez-y fantômes et hémoglobine, la recette paraît complète. Mais Crimson Peak va un peu plus loin.

Attendu au tournant

Les apparitions d'ombres effilées rappellent Nosferatu, le schéma Psychose : une héroïne seule avec un garçon trop gentil pour être honnête, l'influence quasi-incestueuse d'une femme dominatrice, un lieu isolé de tout, et surtout l'enquête qui se déroule en parallèle, loin du lieu de l'action. Les codes de la maison hantée ne manquent pas, le plancher craque, des voix résonnent dans l'obscurité, la balle du petit chien revient toute seule alors que le petit chien est déjà dans la pièce, etc.

Le film innove dans son traitement de « l'horreur » telle qu'on l'attend. Dans Le labyrinthe de Pan, Guillermo Del Toro multipliait les scènes violentes et les créatures torturées. Ici, le fantastique est subtil. Ses uniques avatars, les fantômes, sont indispensables à l'histoire mais s'effacent rapidement derrière leur fonction de messagers, prenant le rôle de l'ange (« l'envoyé.e ») et défendant dans la foulée que l'apparence est souvent trompeuse. Les êtres les plus repoussants s'avèrent être les plus grandes victimes et les adjuvants les plus importants, alors que le dandy pétri de bonnes manière, comme le médecin respecté, se révèle un être assez faible, plus enclin à se laisser porter par les ordres ou ses instincts basiques.

Fortes têtes

Sous le fard de fragilité dont la société s'efforce de parer Edith, apparaît toute la force de caractère de notre héroïne. D'abord, elle ne souhaite qu'écrire, en aucun cas se marier à tout prix. Tout le contraire de ce qu'on attend d'une « fille de bonne famille ». Elle tient tête à son père, décline la surprotection de son ami de toujours, un bon gars fidèle à son rôle, qui ne comprend donc pas (mais je suis gentil pourtant...). On ne croit pas une seconde aux scènes de « demoiselle en détresse » avec Tom Hiddelston, puisque même en terre inconnue et en dépit des admonestations de chacun.e, Edith enquête, fouille, découvre et se rebelle. Et fichtre, elle finit tout de même par courser la grande méchante pour essayer de l'avoir à la hache.

Car nous avons bien affaire à une grande méchante. Jessica Chastaing incarne parfaitement la belle-sœur mystérieusement flippante. Bien qu'un brin psychopathe, elle prend toutes les décisions et sauve la face, au nom de sa famille.

Ce girl power revigorant tombe parfois dans l'excès jusqu'à obtenir l'effet inverse : les pauvres mâles, malgré leurs efforts, ont vraiment des rôles tout pourris. Cela dit, c'est de bonne guerre, Hollywood.

Fausse frayeur

Loin de rechercher un suspense de polar, Crimson Peak distille pourtant une tension particulière, du début à la fin. On n'attend pas tant de voir ce qui s'apprête à survenir que la façon dont les événements seront traités. Hormis pour les petites natures comme votre serviteur qui ne manquent pas de sursauter au moindre jumpscare, ne venez pas pour l'effroi. Venez pour être tenu.e en haleine. Venez pour admirer la photographie et les décors, dont la magnificence vous laissera pantois.e. Pour le brillant jeu des actrices et acteurs, dont les personnages parfaitement incarnés ne sombrent (presque) jamais dans le stéréotype. Venez pour expérimenter la confusion élégante de cette œuvre, qui sans se pavaner nous perd et nous émerveille à la fois.

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